Pour étayer les décisions gouvernementales qui seront annoncées le lundi 13 avril à 20h aux français.es, nous avons envoyé les propositions ci-dessous à M le Président de la République et au Gouvernement, au travers du Comité Scientifique qui a sollicité des Instituts pour des avis. Ces recommandations sont basées sur :

  • L’expertise de la vingtaine de chercheurs.euses et spécialistes de crises réunies pour l’étude COVADAPT que nous avons lancée
  • Les premiers résultats de cette étude depuis le 23 mars
  • L’analyse des études publiées dans différents pays, portant sur les conséquences du confinement et de la gestion de crise en général ainsi que divers études et récits de crises vécues depuis un siècle. (voir plus bas pour en savoir plus)

Ces regards croisés nous montrent que, pour protéger la santé mentale des citoyens.nes et envisager une sortie de crise sans traumas ni désespoirs profonds qui pourraient avoir des conséquences désastreuses pour mettre en œuvre les changements indispensables à notre futur, il est important de :

  • Éviter d’annoncer les suites du confinement par étape de quelques jours, mais projeter une période définie à projection suffisante qui pourrait se réduire plutôt que de s’allonger.
  • Intégrer dans les discours et les recommandations la projection d’une période d’instabilité de longue durée, qui durera bien après le confinement initial, avec des objectifs clairs d’organisation sociétale : la mise en place très rapide et ubiquitaire de dispositifs pragmatiques de formation des citoyens à l’ensemble des nouveaux fonctionnements qu’ils devront adopter et ce, en tenant compte des spécificités situationnelles. Une nécessité pour que la société puisse fonctionner et éviter un désastre économique, social, et sécuritaire tout en maintenant l’épidémie sous contrôle.
  • Stabiliser les discours concernant les masques et les tests avec une unité gouvernementale et une cohérence entre les discours gouvernementaux et les réalités médicales et scientifiques, sur : le fait de porter ou non un masque et les raisons médicales qui le justifient (la dissonance actuelle ayant un effet délétère sur la confiance de la population) ; l’accessibilité aux masques en fonction de leur quantité existante et livrable -et donner un timing, même « lointain » de livraison possible- Et de même concernant les tests, en particulier sérologiques.
  • Quantifier le rapport bénéfice-risque du confinement en intégrant l’ensemble des éléments d’évaluation (années de vie perdues, DALY, QALY, risques sociétaux et sécuritaires, guérisons identifiées porteuses d’espoir) plutôt que de se limiter au décompte des seuls morts directement dus au virus. Tenir compte de cette évaluation dans les prises de décision.
  • Communiquer, lors des annonces, les études scientifiques et les bases de connaissances sur lesquelles s’appuient les décisions, afin de montrer aux français.es la confiance que nous accordons à leurs aptitudes de compréhension des besoins, étayés sur des faits (qui seront réévalués au fil de l’évolution de ces mêmes connaissances).

Pour aller plus loin :

Si vous souhaitez voir la note originale, cliquez sur le lien :

Note à l’attention du Comité Scientifique du Président de la République et du Gouvernement.

Nous sommes un groupe pluridisciplinaire d’une vingtaine de chercheur.ses en sociologie de la santé et psychiatrie et de spécialistes des terrains de crises vécues (prises d’otage, confinements …), experts sur la capacité humaine d’adaptation durant et post crises. Nous nous sommes réunis afin de mutualiser nos réflexions et compétences acquises au fil d’années de gestion de crise et situations anxiogènes et pour mettre en place une étude longitudinale sur l’impact psychologique et social du confinement, visant à la production de connaissances rapides, ancrées dans le débat citoyen et utiles à l’action.

Nous désirons porter à l’attention du conseil scientifique et des décideurs, au vu de la littérature scientifique et des analyses de centaines de retours d’expériences vécues l’importance de :

La stabilité du discours de crise, étayé par des faits scientifiques ou logistiques démontrables et présentés ouvertement aux citoyens, autant que l’unité des responsables et la cohérence dans les informations transmises.

Intégrer dans les discours et les recommandations la projection d’une période d’instabilité de longue durée, qui durera bien après le confinement initial, avec des objectifs clairs d’organisation sociétale : la mise en place très rapide et ubiquitaire de dispositifs pragmatiques de formation des citoyens à l’ensemble des nouveaux fonctionnements qu’ils devront adopter et ce, en tenant compte des spécificités situationnelles. Une nécessité pour que la société puisse fonctionner et éviter un désastre économique, social, et sécuritaire tout en maintenant l’épidémie sous contrôle.

La grande importance d’une projection à long terme de la situation de confinement et de crise, quitte à réduire finalement la durée de celle-ci plutôt que de l’allonger. Cela permet une projection organisationnelle et mentale en évitant les déceptions, extrêmement délétères et traumatiques dans ce type de situation.

Une équité dans le traitement des citoyens, très sensibles émotionnellement lors des situations de confinement, et plus particulièrement lors de la période de déconfinement.

En matière de santé mentale, ces principes peuvent permettre d’éviter la survenue ou l’aggravation de traumatismes et de troubles mentaux à large échelle, comme ceux décrits -entre autres- à la suite des confinements chinois [Qiu (2020)6] avec 40% de traumas identifiés. Rappelons que les traumas mentaux, au-delà des problèmes majeurs de santé générale, augmente la mortalité et ont un impact significatif sur la capacité d’investissement personnel et collectif, dans la volonté de reprise, des personnes affectées.

Ces trois points sont confortés par les résultats préliminaires de l’étude « COVADAPT »7 que nous avons lancée dès le 23 mars en France (6982 répondants à ce jour – questionnaire hebdomadaire) qui déclarent une forte augmentation de la peur (66%) ; de troubles du sommeil (57%) ; de perte de confiance (75%), tout en espérant une prise de conscience qui tarde à venir (57%), parmi d’autres résultats croisés que nous tenons à votre disposition. Un terrain très favorable aux troubles mentaux. Mais ce n’est pas inéluctable. Et il est possible d’accompagner les citoyens.nes pour atténuer ces effets négatifs, comme plusieurs exemples le démontre.

C’est dans ce sens que nous avons étayer nos recommandations, qui s’appuient sur nos compétences respectives de travaux de crises; les études publiées et les cas d’espèces: les résultats préliminaires de notre étude COVADAPT.

Les troubles mentaux peuvent être jugulé par ces projections à longs termes, l’inoculation d’un espoir au-delà de la situation dramatique de mortalité et la claire acceptation d’un changement entre le « avant » et le « après » de l’épidémie, dans lequel les citoyens.nes se sentent investis.

L’équipe coordinatrice de COVADAPT :

X. Briffaulta, M. Jauffret Roustidea, L. Malletb, C. Clotc.

a : CERMES3, b : Univ Paris-Est Créteil & ICM (Institut du Cerveau) , c : Adaptation Institute.

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Bibliographie sélective:

1 : S K Brooks PhD, R K Webster PhD,L E Smith PhD, L Woodland MSc,Prof S Wessely FMedSci, Prof N Greenberg FRCPsych,G J Rubin PhD – The psychological impact of quarantine and how to reduce it rapid review of the evidence, Lancet 2020; 395: 912–20

2 : DiGiovanni C, Conley J, Chiu D, Zaborski J. Factors influencing compliance with quarantine in Toronto during the 2003 SARS outbreak. Biosecur Bioterror 2004; 2: 265–72.

3 : Dennis N.T. Perkins, Margaret P. Holman, Paul R. Kessler, Catherine McCarthy – Leading at the edge -Amacom, 2000

4 : Faaiza Rashid, Amy C. Edmondson, Herman B. Leonard – Leadership Lessons from the Chilean Mine Rescue – Harvard Business Review Journal, July–August 2013 Issue

5 : Christian Clot – Au cœur des Extrêmes – Robert Laffont, 2018

6 : Qiu J, Shen B, Zhao M,  et al. – A nationwide survey of psychological distress among Chinese people in the COVID-19 epidemic: implications and policy recommendations. – General Psychiatry 2020;33:e100213. doi:10.1136/ gpsych-2020-100213

7 : https://adaptation-institute.com/2020/03/23/covadapt-etude/

8: Bonanno, G. A. (2008). Loss, trauma, and human resilience: Have we underestimated the human capacity to thrive after extremely aversive events? Psychological Trauma: Theory, Research, Practice, and Policy, S(1), 101–113. https://doi.org/10.1037/1942-9681.S.1.101